J'étais un drogué – voici pourquoi on devient toxicomane
Je suis devenu un drogué à l'âge de 17 ans, bien qu'ayant commencé à souffrir de dépendance bien avant. À l'heure où j'écris ces lignes, je me suis libéré de cette intoxication depuis deux ans, et j'ai fermement l'intention de demeurer dans cet état.
Peu importe la nature de mon ancienne drogue. Ce qui m'intéresse ici, c'est de souligner quatre convictions fondamentales qui, comme l'explique le Dr Patrick Carnes dans son livre Out of the Shadows (2001) sont présentes dans de nombreux types d'intoxications. Les voici :
• Je suis, dans le fond, un individu mauvais et un bon à rien.
• Personne ne pourrait m'aimer s'il connaissait ma véritable identité.
• Personne ne pourra jamais satisfaire mes besoins ; par conséquent, j'ai plus vite fait d'y pourvoir moi-même.
• Ma drogue est mon besoin le plus pressant.
Quand on se fie à sa dépendance, on a de plus en plus honte de soi-même, et l'on en vient littéralement à se haïr ; la conviction que personne ne peut nous aimer dans un tel état se renforce ; on se convainc encore davantage d'être décidément le seul à pouvoir assouvir ses besoins, et l'on se tourne à nouveau vers sa drogue comme seul (prétendu) soulagement de ses tourments émotionnels.
Le sentiment, depuis son enfance, d'être bon à rien
Ces quatre points de vue se situent souvent au coeur du vortex qu'est la vie du drogué. Il importe, si l'on veut aider ce dernier à s'en sortir, de comprendre que ces quatre convictions lui trottent par la tête.
Le premier de ces sentiments – celui selon lequel, en somme, on est un raté, un méchant – provient souvent de traumatismes infantiles issus d'une enfance dans une famille en dysfonctionnement.
Quand je parle de tel comportement au niveau familial, je fais allusion à des mauvais traitements physiques ou émotionnels, aux fausses accusations, aux injures, aux cris et autres agressions verbales, aux critiques systématiques, aux punitions ou châtiments non mérités, à l'absence de marque d'affection et aux sévices sexuels (physiques ou verbaux) dont on peut être victime dans sa jeunesse.
Il s'agit en effet d'exemples de mauvais traitements responsables de la présence, chez un individu, du premier des quatre sentiments évoqués ci-dessus. Même le moins catastrophique de ces sentiments, quand un enfant en est témoin ou victime au fil des années, risque d'avoir des répercussions dévastatrices sur l'opinion qu'il se fait de luimême. Dans les pires des cas, un seul traumatisme produit des effets quasi immédiats.
Souvent, ces comportements destructeurs s'installent chez l'enfant de parents qui se droguent ou dont la santé mentale laisse à désirer. Le comportement parental a souvent un impact sur l'enfant, qui s'en ressent toute sa vie.
Quand c'est le cas, l'enfant, en grandissant, éprouve de la honte et s'estime n'être bon à rien. Ces concepts lui sont imposés par le milieu où il vit et il se met à croire, au fil du temps, aux idées négatives qu'il ne cesse d'entendre à la maison. Un vide finit par se créer dans son coeur, et ce vide a besoin d'être comblé.
Des sentiments désastreux de rejet
La deuxième idée – celle selon laquelle « nul ne pourrait m'aimer s'il savait ce que je suis » – comporte deux facettes. Premièrement, elle est la conséquence directe inévitable de la première conception. Quand l'enfant devient honteux d'être ce qu'il est, et se prend pour un bon à rien, il se met à douter qu'on puisse l'aimer. Ses propres parents ne semblent guère l'aimer ; de ce fait, à ses yeux, personne d'autre ne le pourrait.
L'enfant s'attend à être rejeté. Et ce sentiment affecte ses rapports avec autrui. En son for intérieur, il se dit que personne ne l'aimerait s'il connaissait son « secret ».
Deuxièmement, dès qu'un comportement instinctif de ce genre devient une habitude, cette opinion que l'enfant a de lui-même est renforcée par celui-ci. Les drogués sont convaincus que si l'on connaissait la nature de leur dépendance, on ne pourrait jamais les aimer.
Ce sentiment crée un cercle vicieux de comportements typiques de la dépendance qui renforcent son opinion de luimême. L'individu se dit que personne n'oserait l'aimer s'il connaissait son secret et se dit qu'en conséquence il a besoin de sa drogue pour affronter la douleur de la réalité, opinion qui à son tour renforce l'idée que personne n'oserait l'aimer (après tout, qui pourrait bien aimer ce que je fais ?).
Les personnes souffrant d'une dépendance ne raisonnent pas ainsi consciemment mais, sans s'en rendre compte, elles provoquent ce genre de cercle vicieux, qui devient terriblement difficile à rompre.
En ne se fiant qu'à soi- même, on ne cherche pas à se faire aider
Cette troisième opinion – selon laquelle personne ne pourra jamais satisfaire à mes besoins – découle des deux sentiments précédents. Quand on a honte de soi et le sentiment de ne pas être digne d'être aimé, on se met souvent à projeter ces sentiments sur son entourage.
Ces idées poussent la personne à se dire « Personne d'autre que moi ne peut pourvoir à mes besoins ; je n'ai guère d'autre choix que me fier à moi-même ».
Quand on souffre d'une dépendance, de n'importe laquelle – chimique (de la cigarette, d'amphétamines, d'alcool, etc.), mentale ou émotionnelle (boulimie, pornographie, etc.) ou spirituelle (lire notre article intitulé « La pire de toutes les dépendances » dans la présente édition) – on se soucie généralement beaucoup de soi. Ce qui constitue une forme d'idolâtrie car l'opinion que « personne ne peut vraiment assouvir mes besoins » influence inévitablement la conception que l'on a de Dieu. Ce souci de soi et cette préoccupation continuelle à se satisfaire alimente à tel point la dépendance qu'en dépit de répercussions adverses, le drogué [nous utilisons les mots drogue et drogué dans leur sens le plus large tout au long de cet article, pour décrire tous les types de dépendances] ne renonce pas à sa drogue. Le sentiment de ne pouvoir se fier à personne d'autre qu'à lui-même est très fort en lui. Cela l'empêche de rechercher l'aide dont il a désespérément besoin ; il est prisonnier des idées qu'il se fait de luimême.
Un vide dangereux demandant à être comblé
La quatrième conviction du drogué – celle selon laquelle sa drogue est son besoin le plus pressant – se forme quand celui-ci a trouvé ce qui lui procure le plus de plaisir (le plus grand soulagement ou le meilleur répit dans sa souffrance, sa misère, son inconfort, sa solitude, etc.)
Quand un jeune a ces opinions de base de lui-même, il se trouve comme dans un état de vide physique, mental, émotionnel ou spirituel. Et ce vide va devoir être comblé. En effet, comme on le sait, la nature a horreur du vide. Et il en va aussi de même pour tout ce qui touche au coeur. Ce vide est tôt ou tard comblé par quelque chose, même si ce quelque chose est néfaste.
Au fil du temps, toute personne qui développe une dépendance quelconque finit par découvrir sa drogue. Cette dernière, une fois découverte, semble éliminer la douleur que le drogué éprouve intérieurement. Ladite drogue (qui, je le répète, peut prendre maintes formes) devient une drogue émotionnelle et physique dont le drogué a de plus en plus envie.
Le plaisir est de courte durée et, tout compte fait, ne résout pas le problème, mais le drogué finit par se dire que sa situation ne sera jamais meilleure que quand il succombe à sa dépendance. Cette dernière devient son besoin le plus pressant.
La dépendance est un piège cruel
Quand on est convaincu de ces quatre idées, ou conceptions, il est terriblement difficile de s'en sortir, car elles deviennent interdépendantes, « s'alimentent mutuellement ». Chaque interaction avec la drogue (qui, comme tout drogué le sait, est mauvaise et le rend honteux) alimente ces quatre convictions de base.
Quand on se fie à sa dépendance, on a de plus en plus honte de soi-même, et l'on en vient à littéralement se haïr ; la conviction que personne ne peut nous aimer dans un tel état se renforce ; on se convainc encore davantage d'être décidément le seul à pouvoir assouvir ses besoins, et l'on se tourne à nouveau vers sa drogue comme seul (prétendu) soulagement de ses tourments émotionnels.
C'est là un piège cruel que Satan exploite habilement. Il s'en sert depuis des siècles. Je puis vous le confirmer en ayant moi-même été victime ; ces idées piègent bien des gens. Les drogués de tous genres ont besoin d'être guéris et libérés.
Or, qu'est-ce qui nous libère d'un tel dilemme ? La dépendance, avouons-le, est essentiellement un problème spirituel. Par conséquent, une solution spirituelle s'impose. Ce n'est pas une solution facile et rapide. À ma connaissance, pas un seul drogué n'a jamais été instantanément guéri par Dieu. Le problème doit être directement confronté, attaqué de front, et non contourné.
Pour ma part, j'ai découvert que la première étape à franchir pour commencer à guérir se trouve dans Jacques 5:16 : « Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. La prière fervente du juste a une grande efficace ».
Dans bien des cas, le drogué risque de devoir faire l'une des choses les plus difficiles pour lui (étant convaincu d'être rejeté) : confesser sa dépendance à des personnes dignes de confiance en leur avouant tout de son intoxication – tout – avant que la guérison puisse débuter.
Grâce aux prières et au soutien de personnes affectueuses, le drogué peut commencer à remettre en question les convictions qu'il a sur lui-même. En se rendant digne de confiance vis-à-vis de personnes qui se soucient sincèrement de lui, il peut remplacer petit à petit ses fausses conceptions et ses comportements néfastes par des idées saines et des comportements positifs.
Tout compte fait, il peut atteindre le stade où il a confiance en l'amour des autres, et se mettre à croire à l'amour exprimé par Dieu à notre égard à tous. Il peut alors se libérer de l'emprise que sa dépendance a sur sa vie.
La voie que je viens de décrire est longue, mais pour tout drogué, il n'existe aucun raccourci. Le but de cet article n'est pas de fournir une solution toute faite aux personnes victimes de divers types de dépendances, mais de les aider – et d'aider ceux qui les aiment – à comprendre les sentiments présents chez ceux souffrant de divers types d'intoxications chimiques, morales ou spirituelles. Ces sentiments, ces convictions intimes, doivent être éliminés avant que n'ait lieu la guérison.