Mieux que des manchettes : L'abolition du fléau de l'esclavage par l'un des « vilains » d'aujourd'hui

Vous êtes ici

Mieux que des manchettes

L'abolition du fléau de l'esclavage par l'un des « vilains » d'aujourd'hui

Il ne fait aucun doute que le commerce des esclaves était odieux. Plusieurs millions d'êtres humains traversèrent l'Atlantique, contre leur gré dans d'horribles conditions, ayant été marchandés comme du bétail. En fait, les animaux étaient mieux traités que les victimes de ce trafic repoussant. En France, Jaurès condamna « l'effroyable trafic de chair humaine qui si longtemps ravagea les côtes de l'Afrique ».

Le 25 mars 2007, anniversaire de l'abolition du commerce des esclaves dans tout l'Empire Britannique, fut marqué par plusieurs événements commémoratifs. L'un d'eux se déroula au château d'Elmina, au Ghana, un château construit par les Portugais au XVe siècle, et servant à rassembler les esclaves avant leur départ pour le nouveau monde. Le lendemain, une journée d'actions de grâces fut organisée à Londres, à laquelle assistèrent la reine Élizabeth et le Premier ministre Tony Blair. À un moment donné, la cérémonie fut interrompue par un homme issu de parents africains exigeant des excuses du monarque britannique à propos de l'esclavage.

De nos jours, on a souvent coutume de critiquer l'Occident, et de le blâmer pour tous les problèmes affligeants le monde. Ces dernières années, on s'est mis à exiger de plus en plus souvent des excuses pour ce type d'asservissement, et les demandes de compensations n'ont cessé de se multiplier.

C'est oublier, entre autres, qu'avant que le Parlement britannique ne vote l'abolition du commerce des esclaves, l'esclavage était une pratique quasiment universelle, établie depuis des siècles. Ce que la Grande Bretagne fit – à une époque où le commerce des esclaves était une activité fort lucrative pour tous ceux qui s'y livraient, Français y compris – était une mesure radicale, progressive, et courageuse. Nous pouvons être reconnaissants à des hommes comme William Wilberforce – chef de la coalition contre l'esclavage – pour leur vision.

En commentant le livre d'Adam Hochschild – Bury The Chains : Prophets & Rebels in the Fight to Free an Empire's Slaves (2005) le journaliste noir américain Thomas Sowell a écrit : « Pour ma part, ce qui me sidère le plus dans la longue histoire de l'esclavage – qui inclut tous les pays et toutes les races du monde – c'est que nulle part avant le XVIIIe siècle personne ne s'était soucié de savoir si c'était bien ou mal. A la fin de ce même siècle, cette question fut de nouveau évoquée en Occident, mais nulle part ailleurs ».

« Ce qui me sidère le plus dans la longue histoire de l'esclavage … c'est que nulle part avant le XVIIIe siècle on ne s'était soucié de savoir si c'était bien ou mal ».

Le livre, a écrit Sowell, « retrace l'histoire du premier mouvement au monde s'étant formé à Londres en 1787, condamnant l'esclavage, lors d'une réunion de douze hommes ayant de fortes convictions religieuses ».

Il fallut 20 ans à ces hommes pour réaliser leur objectif : l'interruption du commerce des esclaves. Et Sowell de poursuivre : « Ce qui est encore plus remarquable, c'est que la Grande Bretagne, principale puissance maritime du monde [à l'époque], prit l'initiative de faire respecter l'interdiction de faire commerce d'esclaves, malgré l'opposition des autres pays. Interceptant et abordant les vaisseaux étrangers en haute mer pour s'assurer qu'ils ne transportaient pas d'esclaves, les Anglais devinrent – et demeurèrent pendant plus d'un siècle – les gendarmes du monde pour ce qui était de faire cesser le commerce des esclaves » (« Today's 'Bad Guys' Ended Slavery », Lansing State Journal, 12 février 2006).

L'historien français connu Alexis de Tocqueville qualifia la décision du parlement britannique de mettre fin au commerce des esclaves de « sans précédent à tout point de vue… Si vous étudiez attentivement l'histoire de tous les peuples, je doute que vous puissiez trouver fait plus extraordinaire » (cité par Hochschild, p. 1).

La liberté, cette « infraction à la règle »

Armés de cette perspective historique, nous pouvons enfin nous réjouir, qu'après plusieurs millénaires, un pays ait eu la conscience morale d'agir, pour faire cesser ce trafic de chair humaine.

Quelle était l'ampleur d'une telle entreprise ? « À la fin du XVIIIe siècle, plus des ¾ de tous les êtres humains dans le monde vivaient plus ou moins dans l'esclavage, pas nécessairement en prison et vêtus d'habits rayés, mais étant plus ou moins esclaves de quelqu'un, dépendant d'un seigneur ou autre.

L'époque en question en était une où le commerce d'esclaves battait son plein, près de 80 000 Africains enchaînés étant envoyés chaque année par bateau au Nouveau Monde. Dans certaines régions des Amériques, les esclaves étaient considérablement plus nombreux que les personnes libres.

« Il en était de même dans certaines parties de l'Afrique, et c'était de ces millions d'esclaves indigènes que les chefs africains et les marchands d'esclaves puisaient la plupart des hommes et des femmes qu'ils vendaient aux Européens et aux Arabes battant pavillon le long des côtes du continent.

« Les esclaves africains étaient envoyés dans tout le monde islamique, et l'Empire Ottoman (turc) asservit aussi d'autres peuples. En Inde et ailleurs en Asie, des dizaines de millions de fermiers vivaient littéralement dans l'esclavage. D'autres paysans étaient asservis à leurs propriétaires à qui ils devaient de l'argent, victimes d'une aussi dure servitude que celle de n'importe quel esclave soumis au propriétaire d'une plantation en Caroline du Sud ou en Géorgie.

« Les indigènes Américains faisaient esclaves des prisonniers de guerre et les vendaient … En Russie, les populations étaient en majorité des serfs, souvent achetés, vendus, fouettés ou envoyés dans l'armée au bon plaisir de leurs propriétaires. Cette ère en était une où, comme l'a dit l'historien Seymour Drescher, “la liberté, et non l'esclavage, était une infraction à la règle” » (Hochschild, p.2).

L'Angleterre et le commerce africain des esclaves

L'esclavage existait en Afrique bien longtemps avant l'arrivée des Européens. « Le commerce d'esclaves de l'Atlantique dépendait de la plupart des cultures africaines. Seigneuries et royaumes, petits et grands, y compris les groupes de nomades avaient leurs propres systèmes d'esclavage. On asservissait les gens ayant commis des crimes, ceux ayant des dettes ou, le plus souvent des prisonniers de guerre…

« Dès que les goélettes européennes commencèrent à longer le littoral africain, offrant toutes sortes de marchandises tentantes en échange d'esclaves, les rois et les chefs se mirent à vendre leurs biens humains à des marchants africains pénétrant loin à l'intérieur des terres. Des groupes de prisonniers allant de quelques dizaines à six ou huit cents individus se voyaient forcés à marcher jusqu'à la côte, les mains liées derrière le dos, le cou attaché à un joug de bois. Sur la côte, quelques intermédiaires blancs, noirs et mulâtres marchandaient pour le commerce de l'Atlantique » (Hochschild, p. 16).

Puis William Wilberforce et ses compatriotes entrèrent en scène. Mus par une profonde conviction chrétienne, en l'espace d'une génération, ils finirent par convaincre le gouvernement anglais de rendre le commerce des esclaves illégal, et cela, en 1807, à une époque où ce dernier était encore très lucratif. La Royal Navy joua aussi un rôle majeur dans cette entreprise, patrouillant les côtes africaines à la recherche de ces vaisseaux de trafic d'esclaves, libérant ces derniers toutes les fois qu'elle en trouvait. À la fin du XIXe siècle, l'esclavage était devenu illégal pratiquement partout » (The Encyclopaedia Britannica, 15e édition, Macropedia, colonialism, p. 892).

Certes, beaucoup d'Anglais profitèrent du commerce des esclaves avant son abolition, mais l'Empire Britannique devint bien plus prospère après que ce commerce ait cessé. L'abolition de ce commerce humain accéléra la croissance de l'Empire qui devenait une multitude de nations (un Commonwealth). Les Anglais, descendants d'Éphraïm mentionné dans la Bible, recevaient la promesse du droit d'aînesse. Un grand nombre d'individus, dans ces colonies, allaient servir aux côtés des Anglais dans les deux Guerres mondiales.

Après l'abolition du commerce des esclaves, il fallut encore 26 ans avant que l'esclavage cesse totalement dans l'Empire Britannique. La fin de la période transitoire de quatre ans coïncidait avec l'ascension, au trône, de la reine Victoria, donnant à la nouvelle reine un apport de prestige au début de son long règne de 64 ans.

Un esclave qui s'enfuit des Etats-Unis, alla s'installer près de Windsor, dans l'Ontario, fonda un institut pour d'autres fugitifs qui le rejoignirent. Sur sa pierre tombale où figure son nom – Josiah Henson – est gravée la couronne de la reine Victoria, par reconnaissance pour la liberté qu'il trouva dans l'Empire Britannique dirigé par elle, et qu'il rencontra plus tard en visite à Londres. Son autobiographie allait inspirer Harriet Beecher Stowe, l'auteur bien connu de La case de l'oncle Tom.

L'Amérique emboîte le pas aux Anglais

Vingt-cinq ans plus tard, l'Amérique modifiait à son tour le cours de son histoire. Quelque 365 000 hommes, blancs pour la plupart, et de descendance anglaise, moururent en se battant lors de la guerre civile américaine pour que les personnes d'ancêtres africains puissent être libres. Aucun autre pays n'a jamais sacrifié autant de personnes pour une aussi noble cause.

Les Etats-Unis, descendants de Manassé, un autre des fils de Jacob (Israël), allaient devenir à leur tour la plus grande puissance mondiale. Une histoire de ces deux pays, écrite par l'historien Angus Calder, a été appelée, à propos, Revolutionary Empire [Empire révolutionnaire]. Les deux bras de l'« empire » anglo-saxon – l'Empire Britannique et les Etats-Unis d'Amérique – étaient l'accomplissement prophétique de promesses faites aux enfants du patriarche Joseph, un fils de Jacob (Genèse 48:15-19). Ils allaient être une bénédiction pour le monde, comme cela avait été promis à leur ancêtre Abraham (Genèse 12:1-3).

Ce n'était pas seulement en haute mer que les Anglais éliminaient le trafic des esclaves. Vers la fin du XIXe siècle, le haut préfet britannique du Nigeria du Nord, [lord] Frederick Lugard en fit une priorité de l'administration de son territoire de près de 777 000 km2.

« Dans le Sud, vivaient des tribus païennes, et dans le Nord des villes États musulmanes historiques avec d'importantes fortifications d'où les émirs attaquaient les territoires tribaux du Sud à la recherche d'esclaves … Sa politique consistait à appuyer les États et les territoires des chefs locaux, leurs lois et leurs tribunaux, interdisant les attaques destinées à faire des esclaves, et proscrivant les châtiments cruels… » Lugard « suivait l'exemple de l'explorateur David Livingstone qui luttait contre les attaquants arabes à la recherche d'esclaves, en Afrique de l'Est » (Encyclopaedia Britannica, 15e édition, Macropedia, « Lord Lugard », p. 176).

L'esclavage est de retour en Afrique

Malheureusement, cinquante ans après que la Grande Bretagne ait accordé l'indépendance à ses colonies, d'après l'UNICEF, l'esclavage est de retour dans tous les pays africains.

D'après un article de la BBC du 23 avril 2004, si l'on en croit l'UNICEF, « le trafic d'êtres humains est un problème dans tous les pays africains. Le rapport, qui couvre 53 nations africaines, révèle que les enfants sont le plus souvent les pauvres victimes dans ce phénomène. Il explique comment on en fait des esclaves, comment on les recrute comme soldats, ou comment on en fait des prostitués. En Afrique, les enfants risquent deux fois plus que les femmes d'être victimes de ce type de trafic ».

Ledit rapport révèle en outre que « 89 % de ces pays se livrent à ce commerce honteux en exportant leurs cargos humains dans les pays voisins ou en les important de ces derniers, mais que 34 % exportent aussi des esclaves en Europe. Vingt-six pour cent des pays interrogés ont admis que ce trafic se faisait avec le Moyen-Orient ». Hélas, il est bien rare qu'en Afrique on s'indigne d'une aussi exécrable traite et que l'on cherche à y mettre fin.

Ce commerce d'êtres humains, qui comprend le trafic d'esclaves à des fins sexuelles, serait, d'après les estimations, le commerce le plus important sur notre globe, équivalant à 10 % de tout le commerce mondial. Le livre biblique de l'Apocalypse prophétise un commerce, au temps de la fin, comprenant un trafic « de corps et d'âmes d'hommes » (Apocalypse 18:13).

Il va sans dire qu'il est grand temps qu'un autre William Wilberforce, et qu'un autre pays influent prennent l'initiative de mettre fin à ce commerce moderne d'esclaves, comme le fit l'Angleterre il y a 200 ans.