100 ans de communisme
La Révolution qui a échoué
Pourquoi la revue Pour l’Avenir souligne-t-elle le 100e anniversaire de la Révolution bolchévique de 1917 qui donna lieu à l’Union soviétique ? Que pouvons-nous apprendre d’un mouvement ouvertement athée dont les leaders étaient complices et responsables de la mort de millions de personnes en ayant recours au génocide, à la famine, à la guerre et à la réinstallation forcée dans des camps de travail ?
En 1983, le président des États-Unis, Ronald Reagan, appela l’Union soviétique l’« empire du mal » et prédit correctement son effondrement, qui survint huit ans plus tard. Lorsque l’Union soviétique se désagrégea et s’effondra, les pays occidentaux furent à la fois stupéfaits et soulagés de constater qu’un tel sort pouvait être réservé à ce puissant empire qui semblait si tenace et immuable.
La Révolution bolchévique contribua à définir le monde du XXe siècle. Elle mena à l’avènement du premier gouvernement socialiste, qui prit rapidement de l’expansion pour devenir l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). L’Union soviétique prit des mesures énergiques pour répandre l’idéologie communiste en Europe de l’Est, en Chine, en Corée du Nord et dans le Sud-Est asiatique. Parallèlement, elle asservit son peuple derrière le « rideau de fer » d’un système politique, économique et culturel étroitement contrôlé.
Mes liens avec la Russie
En 1967, à l’occasion du 50e anniversaire de la Révolution d’Octobre, j’ai été invité à me rendre en URSS pour une visite de six semaines à titre de traducteur et de photographe. Depuis cette première visite, je suis retourné dans ce vaste pays des douzaines de fois pour travailler avec Radio/TV Leningrad et auprès de jeunes dans le cadre d’excursions, de responsables d’églises en Estonie, de groupes qui respectent le sabbat en Ukraine de l’Ouest et de jeunes enfants handicapés de la région ukrainienne de Tchernobyl.
Mes parents sont originaires de l’Union soviétique. Ma mère est née près de Kharkov, en Ukraine, pendant le régime de Staline, et mon père dans une région de la Pologne qui fait maintenant partie de l’Ukraine. Lors de l’invasion de l’URSS par l’Allemagne en 1941, les Allemands emmenèrent de force des jeunes des pays qu’ils avaient conquis pour les faire travailler dans des usines allemandes. Mon père passa aussi un certain temps dans un camp de concentration.
Mes parents firent connaissance en Allemagne. Après la guerre en 1945, ils se retrouvèrent entre les mains de soldats russes hostiles qui considéraient bon nombre des jeunes travailleurs en Allemagne comme des collaborateurs avec l’ennemi, même si ceux-ci n’avaient pas eu le choix d’être là. Dans la foulée du chaos immédiat qui s’ensuivit, mes parents réussirent à s’échapper des occupants russes et à se réfugier à Hanovre, ville située en Allemagne, qui était alors occupée par les Alliés. Ils se retrouvèrent dans un camp de réfugiés, où ils se sont mariés. Je suis né en 1947 et, en 1949, nous nous sommes installés aux États-Unis.
Ayant vécu en Union soviétique et ayant été victimes d’abus, mes parents furent marqués à vie par le spectre de la guerre et de la mort. L’année de l’« Holodomor » (1933), ou du génocide ukrainien, fut particulièrement notoire. En effet, six millions d’Ukrainiens moururent de faim, alors que les récoltes de céréales furent emportées de force du grenier de l’URSS pour réprimer la résistance à l’Union soviétique de Joseph Staline.
Ma mère, qui était âgée de huit ans à l’époque, se rappelle que sa famille cachait des céréales dans les murs pour survivre. Des souvenirs atroces de personnes mourant tout autour d’elle continuaient de la hanter. On emportait leur cadavre et on les plaçait dans la rue pour qu’ils soient ramassés comme des ordures ménagères.
Ma mère réussit finalement à retrouver ses parents après avoir été séparée d’eux pendant 27 ans. Mon père ne revit jamais les membres de sa famille, bon nombre d’entre eux ayant péri au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
Comment un gouvernement si inhumain dirigé par des leaders si cruels pouvait-il avoir pris le pouvoir ? Examinons les circonstances qui menèrent à la Révolution bolchévique d’octobre 1917. Quels étaient certains des espoirs et qu’est-ce qui a mal tourné ?
Le chemin de la Révolution russe
Plusieurs événements qui survinrent en Russie au début du XXe siècle conduisirent à cette révolution marquante : la confluence de l’oppression économique, de l’exploitation, de la Première Guerre mondiale et des promesses séduisantes du marxisme-léninisme.
Pendant des centaines d’années, les tsars dirigèrent la Russie en tant que monarques absolus. Le dernier tsar fut Nicolas II. Au cours de son règne, en 1905, des dizaines de milliers de travailleurs firent la grève. Leurs conditions de vie étaient insupportables, car ils travaillaient 13 heures par jour, touchaient un maigre salaire, vivaient à l’étroit dans de minuscules appartements et ne jouissaient d’aucun droit.
Le 22 janvier 1905, les ouvriers en grève organisèrent une manifestation devant le palais d’Hiver à Saint-Pétersbourg, la résidence du tsar. Leur liste de griefs et de revendications comprenait la liberté d’expression, les droits des ouvriers, une augmentation de salaire, une meilleure rémunération des femmes, la réduction de la journée de travail et leur représentation au sein du gouvernement. Ces ouvriers commencèrent à former des soviets, soit des conseils les représentant.
Que s’est-il passé ? Le « Dimanche rouge » s’ensuivit ! Les ouvriers croyaient à tort qu’ils pourraient amorcer un dialogue avec le tsar. Au contraire, l’armée impériale ouvrit le feu sur les pétitionnaires non armés. Des centaines furent tués ou blessés. Le tsar ne se trouvait pas au palais ce jour-là, mais il avait donné l’ordre de tirer sur les manifestants.
Ce massacre provoqua l’indignation du public, et une série de grèves furent rapidement déclenchées dans des centres industriels de l’Empire russe. Cet état de choses engendra des événements qui allaient aboutir à la Révolution bolchévique 12 ans plus tard.
La vague de troubles qui suivit cette atrocité est maintenant connue sous le nom de Révolution russe de 1905, car elle poussa le tsar Nicolas à revenir sur sa décision et à produire le Manifeste d’octobre dans lequel il fit une série de promesses. L’une d’elles consistait à donner au peuple le droit de représentation, semblable à celui qui existait en Grande-Bretagne, où la démocratie parlementaire travaillait en collaboration avec la monarchie. Dans le cadre de cette représentation, nommée « Douma », le peuple russe était censé partager le pouvoir avec le tsar.
La première Douma était constituée d’une combinaison très étrange d’ouvriers et de paysans. Même s’ils étaient supposés « partager » le pouvoir avec le tsar, celui-ci ne se considéra jamais dans une position inférieure à sa position antérieure. Les premières revendications portaient notamment sur un suffrage universel, une réforme agraire radicale et la libération de tous les prisonniers politiques. Cette entente n’allait pas faire long feu. Le tsar mit fin à la première Douma en juin 1907, ce qui exacerba les tensions.
La Première Guerre mondiale et la fin du règne tsariste
La Révolution bolchévique de 1917 fut aussi engendrée par la Première Guerre mondiale, qui éclata en 1914. La crise occasionnée par cette guerre au sein de la société russe contribua au renversement du régime tsariste.
Pendant la Première Guerre mondiale, la Russie s’était alliée à la Roumanie contre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Empire ottoman. La guerre fut un désastre pour la Russie, alors que 10 millions de ses habitants furent tués ou blessés. L’Empire ottoman soumit le sud à un blocus et la Russie se retrouva à court de fournitures et de vivres. Les prix montèrent en flèche, jetant le peuple dans une impasse critique.
Cette situation entraîna une révolution au début de 1917 à Petrograd (la ville de Saint-Pétersbourg ayant été rebaptisée en 1914 pour que son nom ait une consonance moins germanique).
Cinquante mille ouvriers de Petrograd déclenchèrent une grève. La ville fut bientôt paralysée alors qu’ils renversèrent les statues du tsar. Nicolas tenta de faire cesser les manifestations, mais l’armée était devenue plus conciliante envers les révolutionnaires, et le régime tsariste s’effondra. En mars, le tsar Nicolas abdiqua et fut assigné à domicile. Le glas venait de sonner pour la monarchie russe. La Douma, qui avait vu le jour en 1905 pour partager le pouvoir avec le tsar, fut rétablie et retrouva le plein pouvoir. (Nicolas et sa famille furent exécutés en 1918, après la prise de pouvoir des communistes dans le cadre de la Révolution d’Octobre 1917.)
Le communisme ou le marxisme-léninisme
La Révolution d’Octobre vit également le jour à la suite du succès extraordinaire que connut la philosophie marxiste auprès d’une minorité très active. Cette philosophie doit son nom à Karl Marx, théoricien politique, sociologue, journaliste et socialiste révolutionnaire prussien du siècle dernier.
Karl Marx considérait que le monde était divisé entre la classe ouvrière et les propriétaires. Les membres de la classe ouvrière touchaient un salaire, mais ne prospéraient jamais parce que ce qu’ils créaient ne leur appartenait pas. Ces gens ordinaires étaient connus sous le nom de prolétariat. De l’autre côté, on retrouvait la bourgeoisie, soit les propriétaires, les artisans et les marchands. Les propriétaires d’entreprise étaient ceux qui gagnaient le plus. Le fait d’être propriétaires leur donnait droit au capital. Et, selon Marx, c’est ce qui divisait le monde. Il voyait ce dernier à travers des verres où tout était coloré par les biens, l’argent et la propriété.
Marx considérait que le communisme constituait la solution au problème. Les prolétaires finiraient par se réveiller. Ils éliraient des gouvernements socialistes dont les ressources seraient partagées au profit de tous.
Le communisme n’est pas un gouvernement. C’est un système apatride dont tous les membres partagent et dont la devise, inventée par Karl Marx, est « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Le concept est le suivant : tout le monde donnera et prendra ce qu’il veut, et les choses s’arrangeront d’une manière ou d’une autre.
La psyché collective était imprégnée de l’idéologie communiste, à en juger par les immenses panneaux d’affichage qui louaient le système.
Toutefois, cela n’allait pas se produire comme par magie. Il fallait un catalyseur. Et c’est là que le marxisme-léninisme entra en jeu. Vladimir Lénine, qui dirigeait la Révolution d’Octobre finale, fut le premier dictateur de l’Union soviétique à pousser le marxisme un peu plus loin.
Selon Lénine, le prolétariat avait besoin d’un dictateur pour faciliter la lutte des classes. Il fallait un parti politique pour représenter les intérêts des ouvriers, et l’inclusion de l’armée permettrait d’implanter le socialisme requis pour parvenir au communisme.
Lorsque le régime tsariste fut renversé en 1917, la Russie était en train de perdre la lutte contre l’Allemagne au cours de la Première Guerre mondiale. Lénine, qui était un révolutionnaire exilé du fait qu’il avait organisé des manifestations contre le tsar, était sur le point de devenir l’une des personnes les plus influentes du XXe siècle.
Les gens étaient frustrés et soulevaient des émeutes en raison de la conscription, de la crise économique et de la famine. Le parti bolchévique, qui ne comptait que très peu de membres — seulement 20 000 à l’époque — était en faveur de mettre fin à la guerre contre l’Allemagne. Le parti de Lénine n’était plus banni de la Russie et, en avril 1917, les Allemands permirent à Lénine de rentrer chez lui de la Suisse en train, dans l’espoir qu’il prendrait le pouvoir et qu’il mettrait fin à la guerre entre la Russie et l’Allemagne.
Après l’arrivée de Lénine à Petrograd, une panoplie ahurissante de groupes politiques, militaires, sociaux et nationaux engendrèrent des intrigues et du chaos. Le coup d’État intenté par les bolchéviques en été échoua, et Lénine s’enfuit en Finlande, pays voisin de la Russie.
Puis, l’armée tenta de renverser le gouvernement provisoire dirigé par Alexandre Kerenski. Celui-ci comptait sur les bolchéviques pour le défendre. Les bolchéviques étaient les soldats, bon nombre d’entre eux étant des officiers de la marine. et des ouvriers. Kerenski était désormais redevable envers eux. Lénine, leur leader, revint de la Finlande et, à l’automne, les bolchéviques y virent une excellente occasion d’atteindre leur objectif.
La Révolution d’Octobre
Le moment de la finale était arrivé. Les bolchéviques renversèrent le gouvernement sans effusion de sang. Bon nombre de gens ne les prirent pas au sérieux, car ils considéraient qu’il s’agissait davantage de joutes politiques pour contrôler le gouvernement.
Or, Lénine et son acolyte Léon Trotski planifièrent et exécutèrent cette révolution avec brio. En contrôlant les soviets et en jouissant de l’appui des majorités dans les principales villes, ils votèrent par l’entremise des soviets pour dissoudre le gouvernement provisoire et créèrent la République soviétique russe, sous le leadership de Lénine en tant que dictateur.
La population appuyait le nouveau régime parce qu’il tint sa promesse de mettre fin à la guerre contre l’Allemagne. La Russie signa un traité de paix avec ce pays le 3 mars 1918 — et lui céda un vaste territoire.
Or, la situation des Russes s’envenima. Une guerre civile fit rage pendant cinq ans, et quelque huit millions d’habitants moururent. Les bolchéviques triomphèrent. Le parti communiste fut établi comme unique parti au pouvoir (jusqu’à ce qu’il soit aboli en 1991). L’URSS vit le jour en 1922.
Lénine était considéré par ses partisans comme un champion du socialisme et de la classe ouvrière, tandis que ses critiques insistaient sur son rôle de fondateur d’un régime autoritaire responsable de la répression politique et de l’extermination de masses.
Son successeur, Joseph Staline, fut l’un des despotes les plus impitoyables de l’Histoire. Il s’en prit à son propre peuple et est responsable de la mort de dizaines de millions de personnes.
Selon l’idéologie communiste, la dictature du prolétariat devait être temporaire, parce que les idéaux du communisme devaient finir par prévaloir alors que l’État devait disparaître. Mais ce ne fut jamais le cas. Ceux qui prirent le pouvoir restèrent au pouvoir.
Ma visite en URSS l’année du jubilé
Cinquante ans après la Révolution d’octobre, en 1967, le gouvernement soviétique entrouvrit légèrement ses portes de pays isolationniste. Ses dirigeants voulaient montrer au monde les fruits du socialisme. J’eus l’occasion d’en être témoin. À l’époque, j’avais 19 ans et j’étudiais en Californie. Le rédacteur en chef de la revue « The Plain Truth », son épouse et moi-même, avons rejoint un groupe d’historiens pour entreprendre un voyage de six semaines dans plus de la moitié des républiques de l’URSS. Ce voyage se solda par une série d’articles en anglais en cinq parties intitulée The Unfinished Revolution (La révolution inachevée).
Les Soviétiques embellirent les choses au profit des étrangers curieux, nous y compris. Notamment, sur un des boulevards les plus célèbres de la Russie, la perspective Nevski de Leningrad, ils avaient fait repeindre les immeubles, ce qui leur donnait un air festif et majestueux.
Pendant la Guerre froide, des énoncés politiques violents semblaient toujours provenir du Kremlin. Or, cette tendance avait été atténuée lorsque les Russes ont voulu nous faire visiter leur pays. Ce qui était encore plus important que l’aspect historique de notre voyage, c’était de pouvoir observer la vie des Soviétiques avec lesquels nous pouvions interagir.
Nous avions un guide maussade qui nous accompagna partout, tout au long du voyage. Par ailleurs, des guides locaux et des historiens nous rencontraient dans chacune des villes pour nous parler de la signification historique de chaque région que nous visitions.
Il était évident depuis le début que la psyché collective était imprégnée de l’idéologie communiste. D’immenses panneaux d’affichage bien en vue louaient le système avec des slogans comme « Gloire au Parti communiste de l’Union soviétique » ou « Gloire à la main-d’œuvre ». Cela avait pour but d’exalter la victoire du prolétariat dans une société soi-disant sans classes.
D’énormes portraits des leaders étaient affichés partout, en particulier celui de Lénine. Les Soviétiques avaient aussi l’habitude de donner à leurs immeubles et à leurs villes les noms de leurs leaders ou d’événements historiques. La deuxième ville en importance de la Russie, Petrograd, avait été rebaptisée Leningrad. La ville natale de ma mère portait désormais le nom de Pervomaïsk (« 1er mai ») en l’honneur de la Journée internationale des travailleurs, encore une fois pour vanter les mérites du prolétariat.
Nos hôtes nous disaient que leur jeune pays n’avait que 50 ans tandis que les États-Unis avaient presque 200 ans d’existence.
La vie au « paradis des ouvriers »
Les habitants étaient isolés des pays occidentaux. La grande majorité des échanges commerciaux s’effectuaient avec les pays de l’Europe de l’Est, derrière le rideau de fer. Les prix étaient strictement contrôlés par l’État. Le prix d’un article dans une région était identique à celui du même article dans une autre région. S’il s’agissait d’un article dont le peuple avait besoin, selon le gouvernement, le prix était abordable. Par exemple, le gouvernement voulait que les gens possèdent un téléviseur et une radio pour pouvoir communiquer avec le peuple, alors, il s’assurait que les prix étaient raisonnables.
Par contre, s’il s’agissait d’un article personnel, comme un complet pour homme, il coûtait l’équivalent de plusieurs mois de salaire. J’ai vu une tablette de chocolat en vente, mais le prix était sept ou huit fois plus élevé que celui qu’on aurait payé aux États-Unis. Je l’ai achetée par curiosité. Le chocolat commençait à goûter le vieux parce que cela faisait si longtemps qu’il était sur l’étagère du magasin, sans être vendu. J’ai demandé à notre guide pourquoi le chocolat coûtait si cher. Il m’a dit que c’était peut-être parce qu’il était « plus pur ».
On ne faisait aucune commercialisation proprement dite des produits, et la concurrence était inexistante. Quand il y avait une marque, c’était la seule pour ce type de produit. À Moscou, par exemple, la seule marque de bière était « Bière de Moscou ». Les articles de consommation étaient évidemment rares. Nous nous demandions comment un tel système qui promettait tant à la population pouvait être si déficient pour répondre à ses besoins, mais capable de lancer le premier satellite en orbite autour de la Terre et d’envoyer le premier homme dans l’espace.
Les communications gouvernementales se résumaient à de la propagande, pour dire aux gens que tout était merveilleux au « paradis des ouvriers ».
Une émission de télévision typique pouvait être un documentaire ennuyeux sur un contremaître d’usine qui commentait la production. Ces émissions ne présentaient aucun intérêt pour la population. Par contre, lorsqu’un match de soccer fut télévisé un dimanche après-midi dans notre hôtel, le hall était plein à craquer de partisans enthousiastes !
La restructuration du monde est proche ! Mais elle n’aura rien à voir avec les tentatives humaines qui n’ont jamais pu créer l’utopie.
Seul le gouvernement était autorisé à diffuser de l’information. Les émissions en ondes courtes de la BBC, de Voice of America, de Radio Free Europe et de Radio Liberty étaient interdites et bloquées. On remarquait sur le toit des cathédrales des antennes en V inversées qui brouillaient les fréquences des radiodiffuseurs étrangers. Les leaders soviétiques ne voulaient surtout pas que leurs citoyens sachent ce qui se passait dans les pays occidentaux. Je me souviens que mes parents avaient envoyé des photos de famille à leurs frères et sœurs de l’Ukraine. Tout le courrier était censuré. Si mes parents qui habitaient aux États-Unis envoyaient des photos de notre maison ou de notre voiture familiale, ces photos étaient confisquées.
Par contre, la documentation gratuite vantant la grandeur du communisme abondait de toutes parts.
On condamnait ouvertement la religion à cause de ses échecs et de son clergé historiquement corrompu qui collaborait souvent avec la monarchie ou qui était sous son joug. À bas toutes religions !
Selon Karl Marx, « La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales dont l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. » À l’exception des quelques églises qui demeuraient ouvertes pour quelques âmes ignorantes, les églises étaient fermées.
La célèbre cathédrale de Kazan était devenue le « musée de la religion et de l’athéisme ». On nous le signala avec fierté et on nous encouragea à le visiter. Les expositions commençaient par montrer l’homme primitif qui regardait la lune et les étoiles avec admiration. On y expliquait que l’homme commença à adorer ces objets.
À mesure que nous progressions dans notre visite, les expositions présentaient la formation des religions organisées dans le but de contrôler et de gouverner le peuple. On mettait en lumière les abus de la religion, notamment la conversion au christianisme de la cité-État de la Russie kiévienne (Rous’) en 988. Une peinture illustrait la population de la ville en train de se faire conduire au fleuve Dnieper River pour se faire baptiser en masse ainsi que les conséquences néfastes qui attendaient ceux qui refusaient le baptême.
Les expositions enchaînaient avec le présent de l’époque et faisaient remarquer qu’il s’agissait d’une période d’illumination en URSS. On y montrait des fusées lancées dans l’espace et des spectateurs en admiration. Nous avons remarqué que la dernière exposition était revenue au point de départ, car elle évoquait les premières scènes du musée qui montraient l’homme primitif émerveillé par les cieux.
Pendant notre voyage, il était strictement interdit de prendre des photos dans les aéroports, depuis un avion ou dans une gare ferroviaire. Notre guide nous surveillait de près et levait la main si nous prenions des photos de quelque chose d’« illégal » comme des quartiers défavorisés que notre autobus touristique traversait.
On nous avait demandé de rester avec notre groupe en tout temps. Un jour, cependant, le rédacteur en chef et moi avons réussi à nous éclipser pendant tout un après-midi, alors que nous étions en Ouzbékistan. Nous sommes entrés dans un parc « de culture et de repos » et avons pénétré tout bonnement dans l’immeuble administratif. Les administrateurs se sont comportés comme s’ils n’avaient jamais vu d’étrangers de leur vie. Nous avons passé l’après-midi à bavarder avec eux de façon animée et éclairante et avons beaucoup aimé cette expérience. À notre retour à l’hôtel, notre guide principal nous a réprimandés et nous a dit de ne jamais recommencer !
On nous a fait visiter plusieurs camps de « jeunes pionniers ». Tous les jeunes devaient se faire endoctriner par l’État qui contrôlait le cœur et l’esprit de tous ses sujets. L’endoctrinement commençait par les petits octobristes âgés jusqu’à l’âge de 9 ans et se poursuivait avec les jeunes pionniers jusqu’à l’âge de 14 ans, puis avec le komsomol, la Ligue des jeunes communistes léninistes de toute l’Union. L’adhésion au parti communiste était un honneur, et 15 % seulement de la population comptait parmi les membres.
Visites ultérieures en URSS
Depuis ma première visite en URSS en 1967, j’y suis retourné des dizaines de fois pour le travail de l’Église de Dieu ou des missions humanitaires. J’ai également eu une rencontre mémorable avec les membres de la famille de mes parents. En 1988, toujours à l’époque de l’Union soviétique, j’ai pu rencontrer mes oncles, mes tantes et mes cousins paternels et maternels dans la ville natale de ma mère, soit Pervomaïsk, en Ukraine.
Ce fut révélateur et touchant de fréquenter pendant trois jours des membres de ma famille que je n’avais jamais vus et que je ne reverrais jamais pour la plupart. Nous avons parlé de leur famille, de leur travail et de leur jardin. Ils aimaient surtout parler de leurs enfants et des rêves qu’ils caressaient au sujet de leur avenir. Ils souhaitaient de tout cœur que leur vie soit meilleure que la leur.
Ils étaient très curieux d’apprendre tout ce que nous faisions aux États-Unis. Ils voulaient savoir combien d’argent nous gagnions et quelles étaient les dimensions de nos maisons. Ils voulaient aussi savoir ce que nous pensions d’eux.
L’économie, selon les communistes
Mon cousin m’a donné une leçon d’économie « communiste ». Je lui ai expliqué comment on faisait des affaires aux États-Unis. Lorsque nous avons discuté de la façon dont les articles étaient produits et vendus, il rétorqua rapidement que ce type d’économie relevait de l’exploitation. Acheter et revendre à profit étaient à éviter à tout prix.
Il me donna l’exemple d’un homme qui attrape un poisson. Selon les communistes, vendre le poisson à une personne pour qu’elle le revende était immoral. C’était de la spéculation, mot prononcé avec dédain et activité sévèrement punie dans leur société. Dans ce cas, la personne qui achetait le poisson était considérée comme exploitée. Ce qu’il fallait faire, croyait-on, c’était de vendre le poisson directement au consommateur. Ainsi, affirmait-on, personne ne profitait de personne. Mais il était impensable et illégal de produire quelque chose et de le vendre à un grossiste qui allait peut-être le vendre à un détaillant.
Le gouvernement était le seul employeur au pays. Il n’existait aucune entreprise privée. Les fermes étaient collectivisées. Le travail dans ces fermes était morose, inefficace et peu motivant. À quoi bon s’investir ? Pourquoi se soucier des résultats ?
Toutefois, le gouvernement attribua une petite parcelle de terrain à chaque famille pour qu’elle en fasse un potager. La récolte était abondante ! Lorsque la terre leur appartenait, les familles produisaient énormément.
La construction des nouveaux immeubles était bâclée. Les gens n’avaient aucun intérêt à fignoler leur travail ou à en tirer une fierté.
L’alcoolisme était répandu, tant chez les femmes que chez les hommes. Les gens s’ennuyaient et étaient découragés et, pour se remonter le moral, ils buvaient de la vodka. L’espérance de vie diminua jusqu’à la mi-quarantaine. Ce système fondé sur le marxisme-léninisme impie ne fonctionnait pas.
La série d’articles que nous avons produits après 50 ans de régime communiste s’intitulait The Unfinished Revolution (La révolution inachevée). Aujourd’hui, 50 ans plus tard, nous pouvons affirmer sans hésitation que cette révolution a échoué. Il s’agit là d’une épitaphe sur un autre système gouvernemental créé par un être trompeur, Satan le diable, « vainqueur des nations » (Ésaïe 14:12).
Lorsque nous avons visité l’Union soviétique avant son effondrement, nous avons pu observer des signes d’un empire en voie de se désagréger. Mikhaïl Gorbatchev, alors président de l’Union soviétique, sut reconnaître la stagnation, l’apathie et la décomposition. Il introduisit deux concepts. Le premier était celui de la transparence, appelé glasnost, qui était une politique visant à discuter en toute franchise des réalités économiques et politiques. Cela est facile à comprendre pour nous, mais la population russe avait l’habitude de vivre dans une société qui interdisait ce type de raisonnement.
Le second concept était celui de la restructuration, appelé perestroïka. Les gens ressentaient le besoin d’une telle approche. Toutes les personnes avec lesquelles j’ai discuté de ces sujets en URSS semblaient résignées à l’idée que cette restructuration allait tarder à se produire — peut-être même une vingtaine d’années. Elles n’avaient aucun sentiment d’urgence et ne ressentaient aucun enthousiasme les incitant à vouloir faire bouger les choses. C’était trop peu et trop tard.
Peu de temps après, en 1991, l’empire implosa sans effusion de sang, comme à ses débuts. Le monde s’émerveilla. Au dire de mes amis de l’Ukraine occidentale, le système devait être complètement détruit par un bulldozer pour pouvoir être reconstruit.
Alors que nous parlions des idéaux du partage, de l’amitié (les gens s’appelaient « camarades » ou amis) et de l’égalité, un aspect plus dominant et plus important du comportement humain l’emportait sur l’innocence sincère de la bonté. La connaissance de Dieu diminuait, ce qui rendait le mensonge, le vol et l’homicide acceptables ; les valeurs du travail productif et les comportements socialement acceptables s’estompèrent petit à petit alors que la psyché collective devint pourrie.
À maintes reprises, nous avons constaté que les travailleurs du secteur tertiaire comme les garçons de table n’étaient nullement intéressés à se montrer polis. À quoi bon ? Rien ne les motivait à faire mieux. En réalité, ceux qui cherchaient à faire mieux s’attiraient des ennuis.
Une époque à venir de transparence et de restructuration
Mikhaïl Gorbatchev, le dernier leader de l’Union soviétique, était sur une piste intéressante lorsqu’il introduisit ses politiques de glasnost et de perestroïka — parce que la Bible parle en réalité d’une perestroïka de beaucoup plus grande envergure qui comprendra la restructuration de toutes les nations.
Mais avant tout, il doit exister une glasnost, un dialogue entre l’Homme et Dieu. Le monde d’aujourd’hui est dans les ténèbres parce qu’il a rejeté Dieu. Une glasnost a déjà été établie entre Dieu et l’Église que Son Fils Jésus-Christ est en train de bâtir.
Je porte à votre attention ce que l’apôtre Pierre dit à propos de l’avenir dans Actes 3:18-21 : « Mais Dieu a accompli de la sorte ce qu’il avait annoncé d'avance par la bouche de tous ses prophètes, que son Christ devait souffrir. Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés, afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu’il envoie celui qui vous a été destiné, Jésus-Christ, que le ciel doit recevoir jusqu’aux temps du rétablissement de toutes choses, dont Dieu a parlé anciennement par la bouche de ses saints prophètes d’autrefois. » (C’est nous qui mettons l’accent sur certains passages.)
La restructuration du monde est proche ! Mais elle n’aura rien à voir avec les tentatives humaines de créer des utopies – tentatives qui ont toujours échoué.
Les idéaux marxistes ont échoué. Le communisme de l’URSS a échoué. Et même si la Chine, le Vietnam, le Laos et Cuba affirment officiellement être des États communistes, le pays qui adhère le plus strictement aux principes communistes, c’est la Corée du Nord – qui est loin de donner un exemple éloquent en faisant mourir de faim ses propres citoyens pour produire des armes de destruction massive en vue de menacer ses voisins.
Il viendra une époque où l’homme ne se tournera plus vers des systèmes politiques et des messies humains faillibles pour résoudre ses problèmes. Il dira plutôt : « Venez, et montons à la montagne de l’Éternel, À la maison du Dieu de Jacob, Afin qu’il nous enseigne ses voies, Et que nous marchions dans ses sentiers. » (Michée 4:2)
Cette époque à venir — alors que le Royaume de Dieu sera établi sur la Terre — est une promesse assurée de Dieu et un grand espoir pour l’humanité.
Alors que nous examinons les systèmes défectueux et faillibles que l’humanité a créés au cours de ses 6 000 années d’existence, ainsi que les dangers qui menacent sans cesse notre monde d’aujourd’hui, prions toujours avec ferveur : « Que Ton règne vienne ! »