Commentaire biblique
Juges 19
Prélude à la guerre contre Benjamin
La guerre désastreuse contre les Benjamites a commencé par un simple incident, le viol collectif brutal de la concubine d’un Lévite. Aussi horrible que soit cet incident, on peut se demander comment il a pu déclencher une guerre d’une telle ampleur.
Deux facteurs importants entrent en jeu dans ce qui s’est passé, l’un d’ordre culturel et l’autre d’ordre historique. Le facteur culturel concerne le traitement approprié d’un invité. La vie au Moyen-Orient a toujours été difficile et, pour faire face aux conditions ardues de la vie nomade, un système élaboré de coutumes sociales a été développé. L’une d’entre elles exigeait de chacun qu’il reçoive aimablement un invité, qu’il fournisse confort, logement et nourriture pendant une brève période à tout étranger se trouvant dans son camp, même si cet étranger était un membre d’une tribu ennemie en temps de paix. Si l’on ne fait pas preuve de la bienveillance requise, on considère qu’il s’agit d’un acte d’hostilité et d’impiété devant Dieu. Si l’offense était suffisamment grave, des guerres claniques ou tribales pouvaient être déclenchées.
Un deuxième facteur était le souvenir persistant de ce que Dieu avait fait à Sodome et Gomorrhe – non seulement dans le Pentateuque, mais aussi, sans doute, dans les récits régionaux transmis de génération en génération. Le comportement répugnant et abominable des habitants de ces villes et de ceux qui les entouraient a joué un rôle majeur dans le cri qui s’est élevé vers Dieu à leur encontre. La destruction de Sodome et de ses voisines a été si complète qu’aujourd’hui encore, on ne sait pas exactement où elles se trouvent. En comparant le comportement des « gens pervers » de Guibéa (Juges 19:22) et du vieillard (Juges 19:23) avec la conduite des hommes de Sodome (Genèse 19:4-5) et de Lot (versets 6-8), on devrait être en mesure de voir un parallèle très clair.
En tenant compte de ces éléments dans l’histoire, on peut comprendre pourquoi un incident de cette nature a pu déclencher une telle guerre. Le lévite était un représentant de Dieu, envers lequel les habitants de Guibéa se montraient extrêmement inhospitaliers et faisaient preuve d’une impiété ouverte et flagrante. Connaissant les exigences sociales relatives à la prise en charge du voyageur, la conclusion naturelle était qu’un tel affront serait vengé par celui que le lévite servait, c’est-à-dire Dieu. Il fallait donc agir.
Bien sûr, le lévite ne semble pas très orienté vers Dieu, en livrant sa concubine pour qu’elle soit maltraitée comme il l’a fait et en se montrant si froid et insensible à son égard le lendemain matin, avant même de savoir qu’elle était réellement morte. L’offre de l’Ephraïmite de livrer sa propre fille ne lui donne pas une meilleure image. Nous voyons ici le statut inférieur des femmes dans cette société. En vérité, cette histoire est tout à fait horrible à tous points de vue. Elle illustre à quel point les choses étaient tombées bas, jusqu’à la dépravation de Sodome et Gomorrhe. Plus tard, le prophète Osée a cité cet épisode comme l’un des événements les plus corrompus de l’histoire d’Israël (Osée 9:9 ; Osée 10:9).