Commentaire biblique : Ruth 3

Commentaire biblique

Ruth 3

Une rencontre à minuit

Le mot « repos » au verset 1 décrit le « repos » que l’on trouve dans le mariage (voir 1:9), c’est-à-dire le fait de « s’installer » ou « s’établir » – typique du repos du Royaume de Dieu à venir (voir Hébreux 3-4), dans lequel l’Église glorifiée sera mariée à Jésus-Christ (comparez avec Éphésiens 5:22-23 ; Apocalypse 19:7).

Naomi souligne à nouveau le fait que Boaz est un proche parent – un parent-rédempteur (Ruth 1:2). « Le mot hébreu désigne un parent qui joue le rôle de protecteur ou de garant des droits de la famille. Il pouvait être appelé à remplir un certain nombre de fonctions : (1) racheter des biens que la famille avait vendus ; (2) donner un héritier à un frère décédé en épousant la femme de ce frère et en lui donnant un enfant [le terme « frère » étant évidemment compris comme une relation familiale plus large que le simple frère littéral] ; (3) racheter un membre de la famille qui avait été vendu comme esclave à cause de la pauvreté ; et (4) venger un membre de la famille qui avait été assassiné en tuant le meurtrier ». L’Écriture appelle Dieu le Rédempteur ou le ‘proche parent’ d’Israël (Esaïe 60:16), et Jésus le Rédempteur de tous les croyants (1 Pierre 1:18, 19) » (« Wordfocus : Close Relative », Nelson Study Bible, p. 446).

En effet, comme nous l’avons brièvement mentionné plus haut, « le concept de parent rédempteur ou goel [Dans Ruth 3:9, c’est le mot derrière « as droit de rachat », traduit ailleurs par « proche parent », (voir version BDS)] est une représentation importante de l’œuvre du Christ. Le goel doit (1) être lié par le sang à ceux qu’il rachète [et le Christ est venu en chair humaine] (Deutéronome 25:5, 7-10 ; Jean 1:14 ; Romains 1:3 ; Philipiens 2:5-8 ; Hébreux 2:14, 15) ; (2) être capable de payer le prix de la rédemption [comme le Christ l’a fait par Son sang] (2:1 ; 1 Pierre 1:18, 19) ; (3) être disposé à racheter [comme le Christ l’a fait] (3:11 ; Matthieu 20:28 ; Jean 10:15, 18 ; Hébreux 10:7) ; (4) être lui-même libre [de ce qui a causé le besoin de rachat, c’est-à-dire que le rédempteur ne peut pas se racheter lui-même] (le Christ était libre de la malédiction du péché). Le mot goel... [présente donc] une image claire de l’œuvre médiatrice du Christ » (New Open Bible, introductory notes on Ruth). Il est également intéressant de noter qu’un chrétien doit accepter la voie de Dieu pour recevoir la bénédiction. Un chrétien doit vouloir le salut. Ruth voulait que Boaz l’épouse et elle a accepté le système.

Naomi décide qu’il est enfin temps d’agir. Dans les sociétés anciennes, la fin de la récolte était toujours synonyme de célébration et de festin. Peut-être pensait-elle que Boaz serait plus réceptif aux appels ou aux propositions lors d’une telle occasion. Elle dit à Ruth de se laver, de se parfumer et de s’habiller élégamment, puis l’envoie aux festivités, mais sans l’approcher pendant celles-ci (Ruth 3:3). Au contraire, Naomi demande à Ruth de suivre Boaz et, après qu’il se soit endormi, de découvrir ses pieds et de s’y allonger (verset 4). Cela nous semble plutôt étrange aujourd’hui, mais il semble que cela ait été plus courant et mieux compris dans la culture de l’époque. Aujourd’hui, certains y voient une avance sexuelle, accusant Ruth (et Naomi pour l’avoir suggérée) d’immoralité. Mais cela est plutôt improbable, comme nous le verrons.

Boaz va dormir à la belle étoile (verset 7). La plus grande partie de la récolte se trouvant sur l’aire de battage, il n’était pas rare que le propriétaire ou un serviteur de confiance dorme près du tas de grains pour se prémunir contre le vol. Il se réveille à minuit, surpris de trouver Ruth à ses pieds. Elle lui dit : « étends ton aile sur ta servante, car tu as droit de rachat. » (verset 9). Tout d’abord, nous devons remarquer qu’il s’agit d’une requête humble, puisqu’elle se dit sa servante. Cela peut expliquer sa présence à ses pieds, la position d’une humble requérante. De plus,  l’expression dans la version Segond 21 est « le pan de ton manteau ». Certains y voient une référence à un manteau ou à une robe de dessus qui servait de couverture (voir C.F. Keil et F. Delitzsch, Commentary on the Old Testament).

« Boaz a probablement dormi sur une natte ou une peau ; Ruth s’est couchée en travers à ses pieds – une position dans laquelle les serviteurs orientaux dorment fréquemment dans la même chambre ou la même tente que leur maître ; et s’ils veulent une couverture, la coutume leur permet de bénéficier d’une partie de la couverture du lit de leur maître. Se reposant, comme le font les Orientaux [c’est-à-dire les Moyen-Orientaux] la nuit, dans les mêmes vêtements qu’ils portent le jour, il n’y avait aucune indélicatesse à ce qu’un étranger, ou même une femme, mette l’extrémité de cette couverture sur elle » (Jamieson, Fausset & Brown Commentary, note sur le verset 9).

Au pluriel, le terme hébreu traduit par « pan de manteau » est généralement compris comme signifiant « ailes », et donc certaines traductions, comme la NEG79, le traduisent ici par « aile ». Dieu a utilisé cette terminologie pour décrire le fait qu’Il a pris Israël comme épouse : « voici, ton temps était là, le temps des amours. J’étendis sur toi le pan de ma robe, je couvris ta nudité, je te jurai fidélité, je fis alliance avec toi, dit le Seigneur, l’Éternel, et tu fus à moi. » (Ézéchiel 16:8). Il est clair que l’intention de Ruth était une proposition de mariage – qu’elle se mette sous l’aile ou le manteau de la protection d’un mari, en l’occurrence Boaz.

Ce qui est également assez significatif à cet égard, c’est que Boaz lui avait déjà parlé de « l’Éternel, le Dieu d’Israël, sous les ailes duquel tu es venue te réfugier ! » (Ruth 2:12) – en utilisant ici la forme plurielle du même mot hébreu. Pourtant, il ne l’a pas envoyée se réfugier ailleurs, sous la protection de Dieu. Au contraire, dans une large mesure, il s’est chargé lui-même de la protéger et de prendre soin d’elle.

Puisque cette histoire vraie illustre la relation entre le Christ et l’Église, il pourrait sembler y avoir une rupture dans la typologie. Jésus a dit : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais moi, je vous ai choisis, ... » (Jean 15:16). Ceci après que Dieu le Père ait choisi ceux qui feront partie de l’épouse de son Fils (Jean 6:44). Mais il faut savoir que Ruth n’est pas à l’origine de la relation. Boaz s’était déjà intéressé à elle et avait fait preuve d’une faveur évidente à son égard. En fait, il est probable qu’il souhaitait vivement être son mari. Mais nous voyons qu’il s’agit d’un homme âgé qui s’attendait à ce que Ruth épouse quelqu’un de beaucoup plus jeune. La sage Naomi a reconnu les sentiments de Boaz pour ce qu’ils étaient. Elle savait peut-être que Boaz était un homme conservateur qui manquait d’assurance romantique. Naomi a décidé qu’il était temps pour Ruth de faire preuve d’initiative en réponse à l’intérêt de Boaz. De même, après avoir été appelés par Dieu, nous devons prendre l’initiative de le rechercher. « Approchez-vous de Dieu et il s’approchera de vous » (Jacques 4:8).

Boaz est profondément touché. Et il est immensément impressionné par la grande « preuve d’amour » (verset 10, version BDS) de Ruth – le mot hébreu ici, hesed, signifie « amour loyal » ou « fidélité à l’alliance ». Non seulement elle était restée aux côtés de Naomi, mais elle cherchait maintenant à remplir l’obligation de préserver la lignée et l’héritage de son mari décédé, ce qui permettrait de restaurer la lignée familiale d’Elimélec et de s’assurer que Naomi était bien pourvue.

La réponse de Boaz nous aide vraiment à comprendre qu’il n’y a pas eu d’inconvenance sexuelle. Si Ruth avait fait quelque chose d’immoral, ses premiers mots n’auraient certainement pas été de la bénir au nom de Dieu pour sa fidélité et sa vertu morale (versets 10-11). S’il lui dit de dormir là jusqu’au matin (verset 13), c’est très probablement pour assurer sa protection. Il n’aurait pas été prudent pour elle de retourner à la ville au milieu de la nuit, où elle aurait pu être accostée – juste avant l’aube serait plus sûr, quand personne n’était réveillé. Il est vrai qu’au verset 14, Boaz ne veut pas que l’on sache qu’elle était là. Mais cela ne signifie pas que quelque chose de mal s’est produit. Peut-être voulait-il simplement éviter que la rencontre soit mal interprétée et que la réputation de Ruth soit remise en question. Ou peut-être ne voulait-il pas que son intention de se marier soit rendue publique avant d’avoir pu régler la situation avec l’autre membre de la famille qu’il mentionne. Car Boaz, nous l’apprenons, n’était pas le parent le plus proche (verset 12).

Le matin, Boaz renvoie Ruth chez elle avec un don de blé – 6 mesures non précisées (verset 15). La nouvelle version BDS parle de 25 litres, mais cela représente environ 15 kg, ce qui est assez difficile à transporter dans son manteau. Boaz s’est peut-être contenté d’utiliser une grosse cuillère et d’en verser six pleines dans son manteau. Ce cadeau était peut-être un gage de son intention de l’épouser si possible. À la fin du chapitre, Naomi dit à Ruth de rester tranquille et d’attendre de voir ce qui va se passer. Noémi est persuadée que Boaz, qui a fait preuve à plusieurs reprises de droiture et de compassion à leur égard, réglera la question avant la fin de la journée (voir le verset 18).