Et si Pierre n’était jamais venu à Rome…

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L’idée que Pierre se soit rendu à Rome et y soit mort en martyr sous Néron relève d’une tradition ancienne.

Une tradition centrale dans l’Église catholique est que l’apôtre Pierre serait venu à Rome et en aurait été le premier pape. La tradition affirme que Pierre aurait exercé son ministère dans ladite cité entre l’an 33 et 67, qu’il y aurait fondé l’Église locale et y serait mort en martyr sous Néron. Or, aucun verset biblique ne confirme explicitement que Pierre y ait mis les pieds. Le Nouveau Testament reste silencieux sur ce point, et les Actes des Apôtres, qui relatent en détail les missions apostoliques, ne mentionnent ni séjour ni mission de Pierre dans la ville italienne.

Si Pierre n’est pas venu à Rome, c’est tout un système de croyances qui vacille. L’idée qu’il ait été le premier évêque de Rome — donc le premier pape — constitue l’un des fondements majeurs de l’autorité pontificale. C’est sur cette tradition que repose la prétention de l’Église romaine à incarner la continuité apostolique et à parler au nom du Christ.

Or, cette affirmation ne s’appuie sur aucun texte biblique clair. Elle relève d’une construction tardive, consolidée par des écrits ecclésiastiques bien postérieurs aux faits. Si Pierre n’a pas foulé le sol romain, alors le trône de Rome cesse d’être l’héritier légitime d’une transmission apostolique : il devient le fruit d’une élaboration théologico-politique, destinée à établir une autorité centralisée sur le monde chrétien.

Ce n’est donc pas un simple détail historique que l’on remet en cause, mais l’un des piliers symboliques de la hiérarchie catholique. Une pierre, sans fondement. Une Rome, sans racine divine.

Pierre n’est pas allé à Rome. La Bible indique clairement qu’il fut envoyé vers l’Orient, non vers l’Occident. Après la résurrection de Jésus, Pierre joue un rôle central : il prêche à la Pentecôte (Actes 2), guérit, enseigne (Actes 3–5), et est emprisonné puis libéré miraculeusement (Actes 12).

Il est envoyé en Samarie avec Jean (Actes 8:14-25), où il impose les mains aux nouveaux croyants. Puis il voyage dans plusieurs villes de Palestine : Lydda (aujourd’hui Lod), Joppé (Jaffa), et Césarée. Là, il guérit un paralytique, ressuscite Tabitha, et rend visite au centurion Corneille (Actes 9-10).

Ces récits bibliques situent l’action de Pierre exclusivement en Terre Sainte et dans ses environs, sans aucune mention explicite d’un voyage à Rome. Son ministère se prolonge à Antioche, ville qui se trouve aujourd’hui en Turquie, tout près de la frontière syrienne, sous le nom d’Antakya.

Selon Galates 2:11, Paul mentionne une confrontation avec Pierre à Antioche, ce qui confirme que ce dernier s’y est rendu. Antioche, située à l’époque en Syrie, était l’un des centres majeurs du christianisme primitif. Cela renforce l’idée que l’activité missionnaire de Pierre s’est concentrée en Orient, et non en Occident et notamment pas à Rome, dont aucun texte biblique ne mentionne la visite.

Pierre ne s’est pas rendu à Rome

L’idée que Pierre se soit rendu à Rome et y soit mort en martyr sous Néron relève d’une tradition ancienne, mais elle n’est nullement attestée par les Écritures. Aucun texte du Nouveau Testament ne mentionne ce séjour ni ce martyre.

Cette tradition est également absente des témoignages chrétiens des deux premiers siècles. Elle ne commence à émerger qu’au IIIᵉ siècle, puis se structure et s’amplifie au IVᵉ siècle sous la plume d’Eusèbe de Césarée, considéré comme le premier historien de l’Église.

Il s’agit donc moins d’un fait historique établi que d’une construction narrative, destinée à légitimer la primauté de Rome en l’ancrant dans une soi-disant filiation apostolique.

Il faut également souligner que le livre des Actes des Apôtres, pourtant très précis sur les voyages missionnaires de Paul, ne mentionne pas la présence de Pierre à Rome. Ce silence est d’autant plus significatif qu’il affaiblit l’idée d’un séjour pétrinien dans la capitale de l’Empire.

Babylone, la grande prostituée et la mère des abominations de la Terre

1 Pierre 5:13 mentionne « Babylone », sans qu’on puisse affirmer avec certitude que Pierre s’y est réellement rendu. Il faudrait une interprétation hasardeuse pour y voir la preuve d’un séjour à Rome, si tant est que « Babylone » désigne bien la capitale impériale, et non une autre ville ou un symbole théologique.

Certains affirment que la mention de « Babylone » dans 1 Pierre 5:13 serait un terme « code » pour désigner Rome. Les partisans de la primauté romaine y voient une preuve indirecte que Pierre aurait séjourné dans la capitale impériale.

Mais ce raisonnement crée une curieuse contradiction : si « Babylone » désigne Rome, ils s’identifient eux-mêmes — sans toujours s’en rendre compte — à la Babylone symbolique de l’Apocalypse, décrite comme la grande prostituée et la mère des abominations de la Terre (Apocalypse 17:5).

Autrement dit, selon leur propre lecture, Rome ne serait pas le centre de la foi, mais celui de l’imposture spirituelle. Une ironie théologique que beaucoup préfèrent ignorer.

Pierre ne s’est pas rendu à Rome. Contrairement à ce qu’affirme la tradition catholique, rien dans les Écritures ne soutient une telle affirmation. Pierre fut avant tout l’apôtre des Juifs, non des païens, comme l’indique clairement Galates 2:7-8, où Paul précise avoir été envoyé vers les « incirconcis », tandis que Pierre fut chargé de la mission auprès des « circoncis ».

Il est donc logique de penser que Pierre, conduit par l’Esprit-Saint, a été envoyé vers les communautés juives de la diaspora, notamment en Mésopotamie. Dans cette perspective, la mention de « Babylone » en 1 Pierre 5:13 prend un sens littéral : il s’agirait de la véritable Babylone, dans l’actuel Irak, où vivait une importante communauté juive à l’époque.

Cette hypothèse respecte à la fois la cohérence biblique et l’identité même de Pierre, profondément enraciné dans le judaïsme et envoyé vers ses frères dispersés. Dès lors, vouloir à tout prix le situer à Rome relève moins d’un témoignage historique ou apostolique que d’une construction dogmatique ultérieure.

Pontifex maximus

Le titre de pape, pontifex maximus — traduit par « souverain pontife » — est un héritage direct de la Rome païenne. Dans l’Antiquité, ce titre désignait le plus haut responsable religieux, chef du collège des pontifes (collegium pontificum), chargé de préserver la paix entre les hommes et les dieux par les rites.

Le mot pontifex vient du latin pons (pont) et facere (faire) et signifie littéralement « faiseur de ponts », c’est-à-dire médiateur entre le divin et l’humain. Dans certaines traditions liées aux cultes à mystères, ce rôle s’associait à des figures comme Janus, dieu romain des commencements, des passages et des portes, souvent représenté à deux visages, l’un tourné vers le passé, l’autre vers l’avenir. Janus symbolisait les seuils, les transitions, les dualités : entre ciel et terre, entre le visible et l’invisible.

On peut ainsi percevoir une continuité symbolique : le pape, en tant que pontifex maximus, incarne la réappropriation chrétienne d’un rôle païen, celui du grand médiateur, gardien des passages, représentant terrestre d’un dieu de transition. Autrement dit : un Janus christianisé. Derrière les apparats pontificaux se profile l’ombre d’une fonction bien plus ancienne, païenne dans son essence, recyclée au sein d’une structure se voulant chrétienne.

La célèbre statue de bronze qui trône dans la basilique Saint-Pierre à Rome, censée représenter l’apôtre Pierre tenant les clés du Royaume, a en réalité une origine païenne. Il s’agit d’une ancienne statue du dieu Jupiter, que l’Église a recyclée et rebaptisée Pierre lors de la christianisation de Rome.

Cette affirmation repose sur plusieurs indices : la posture solennelle, la toge romaine, les pieds usés par les baisers des pèlerins, un geste rappelant les rites de vénération païens et surtout l’absence initiale de tout symbole chrétien. Les clés, traditionnellement associées à Pierre depuis le Moyen Âge (Matthieu 16:19), ont été ajoutées plus tard pour renforcer l’identification.

Cela illustre une fois de plus comment le christianisme institutionnel s’est construit en réinvestissant l’imaginaire religieux romain, substituant aux dieux anciens des figures chrétiennes, sans rompre brutalement avec la culture visuelle du passé. Ainsi, Pierre serait devenu le nouveau Jupiter, non plus gardien des cieux olympiens, mais des portes du paradis.

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